Observateur attentif des scènes politiques québécoise et canadienne, l'ancien journaliste de La Presse, Denis Lessard, nous raconte quelques moments-clés de la carrière de l'ancien premier ministre Brian Mulroney.
Comment expliquer que Brian Mulroney, élu pour une première fois en 1984 avec presque un raz-de-marée, avait un taux de popularité de 12 % en novembre 1992 - soit le plus bas de l'histoire - huit ans plus tard?
«Vous avez raison de parler de raz-de-marée en 1984, parce qu'il avait obtenu 211 députés. C'était la plus forte majorité obtenue par un premier ministre au Canada. C'est encore un record aujourd'hui.
«Un mois plus tôt, il y avait eu le référendum sur Charlottetown. Vous savez que ça a un peu cristallisé le mécontentement des Canadiens envers Mulroney parce qu'il y avait déjà deux mandats de fait. Charlottetown, les gens avaient leurs craintes. Vous savez qu'à l'époque, Trudeau et puis Chrétien, qui était chef de l'opposition à l'époque, avaient fait une campagne assez dure à l'endroit de la volonté de remettre le Québec dans la Constitution, mais au prix de la reconnaissance d'une société distincte et puis toutes sortes de conditions qui, un peu, inquiétaient, si on veut, au Canada anglais.»
«À l'automne 93, Mulroney était déjà à la fin de son deuxième mandat. C'était son va-tout, un peu qu'il abattait. Lui-même avait parlé dans une entrevue qui avait fait la manchette au Globe and Mail qu'il avait «lancé les dés dans l'espoir de gagner.» Mais au Canada, on n'avait pas beaucoup apprécié cette volonté un peu de jouer avec l'avenir du pays.»
Où est-ce que Denis Lessard situe Brian Mulroney dans l'histoire des premiers ministres du Canada?
«C'est sûr que c'est le niveau le plus élevé, parce qu'il y a eu sa volonté, sa détermination à faire des choses et des choses risquées, parce qu'on a vu qu'il y a eu deux échecs successifs avec la réintégration du Québec dans la Constitution. Mais aujourd'hui, avec 83 % des Canadiens qui jugent son bilan positif, ce n'est pas négligeable. Même 87 % des Québécois trouvent son bilan positif, C'est assez remarquable.»
«Il a toujours dit qu'il ne travaillait pas en fonction de la manchette dans dix jours, mais pour la situation, le bien-être du Canada dans dix ans. Puis, avec le temps, avec le recul du temps, on s'aperçoit qu'il avait raison, que l'histoire lui a été très, très favorable, si on veut. Parce que ses réussites remarquables ont été réalisées. Les gens ont pu les constater, mais longtemps après son départ de la scène politique.»